P, comme ponctuation


Photo by Art Lasovsky on Unsplash


Un changement, quel qu’il soit, s’inscrit dans un cycle, une dynamique. Cela est vrai à l’échelle individuelle, à l’échelle d’un groupe, comme à l’échelle d’une société. Accompagner le changement consiste déjà à qualifier la nature de ce changement, l’inscrire dans un récit qui fasse sens. Continuité ? transformation ? rupture ? 

De ce point de vue, la métaphore de la ponctuation offre une palette de possibles. Parenthèse ? Point ? Virgule ? Point-virgule ? Point d’exclamation ? Point d’interrogation ? Ou points de suspension ? 

La parenthèse sera choisie par les conservateurs ; ceux qui voudraient que tout redevienne comme avant. Qui s’imaginent la crise, bien plus comme un incident que comme un symptôme d’un mal plus profond. Ceux qui se centrent sur l’écume des choses et peuvent omettre parfois  de se connecter avec le sens. Et la vie reprendra son cours considèrent-ils.  Y croient-ils vraiment ? Ou ne sont-ils tout simplement pas prêts à voir les choses autrement ? 

Le point sera l’option des collapsologues. Pour les plus pessimistes d’entre eux. Cette crise est pour eux le début de la fin. Ils se délectent d’avoir eu raison. L’effondrement est en cours et rien n’est à espérer ensuite. Un point c’est tout. 

La virgule est la ponctuation des poètes. Celle qui permet la respiration et qui invite à la réflexion. Ni dramatisation, ni minimisation. Une invitation à la création. L’art est une façon de transformer le malheur du monde. Une façon de dire des sentiments cachés. Et la virgule devient alors une arme. La prose un combat. 

Les systémiciens, les amoureux de la complexité, préféreront eux le point-virgule. Ni une fin, ni un début. Une transformation. Une interruption de pattern. De celles qui changent sans changer. Ceux pour qui le chemin est au moins aussi important que la destination. Ceux qui se méfient du binaire, du compliqué et des évidences aussi.  Ceux qui se font amis avec le signifié, le sous-jacent, le symbolique et le paradoxe. Ceux, enfin, qui savent que croissance des activités vertueuses et décroissance du reste peuvent cohabiter. Doivent cohabiter. 

Le point d’exclamation sera celui des collapsologues. Pour les plus optimistes d’entre eux cette fois. Attention, dernier avertissement ! Il est encore temps mais sachons tirer les leçons radicales et profondes de cette crise de la modernité. 

Le point d’interrogation sera l’allié des humbles. Ceux qui aiment l’art de la question. Et qui acceptent la part de mystère qui réside en toute chose complexe. Ceux qui ont fait le deuil de leur illusion de toute puissance. Qui se laissent guider par le courant de la vie. Qui chérissent le présent et savent que passé et futur ne sont que des vues de l’esprit. 

Les points de suspension seront choisis par les généreux. Ceux qui acceptent de partager leur récit, leur histoire. Qui sont prêts à la construire avec d’autres. A coopérer. A imaginer que d’autres savent ce qu’eux ne savent pas encore. Qui aiment se laisser porter par des imaginaires étrangers aux leurs. Qui se rappellent que le suspens est une façon de générer de l’adhésion, de la mobilisation. De la tension aussi. 

Quelque soit la ponctuation de cette séquence inédite, l’avenir reste à écrire. Et le présent reste à vivre.

Sébastien Weill 

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